T.W. Wilson, président
américain, au moment de la première guerre mondiale a eu le
grand honneur de faire l’objet d’un ouvrage écrit par
Freud et Bullit.
Bullit , diplomate américain, membre de la délégation
des Etats Unis, à Versailles,
avait publiquement exprimé son désaccord sur le comportement
lamentable du président Wilson lors des négociations du traité,
lui reprochant d’avoir lâchement cédé à
toutes les exigences du dépeçage austro-hongrois, dans le
seul but de faire accepter le principe de fondation de la ?Société
des Nations?, création intellectuelle de Wilson.
Quant à Freud, qui a participé avec d’autres, Charcot,
Janet, au développement de la science positive, mettant fin à
toute croyance aux puissances surnaturelles, il ressentait toute la dévastation
de l’Europe après la première guerre mondiale ; il haïssait
Wilson.
Il n’a rien connu des camps d’extermination où ses quatre
sœurs vont mourir, puisqu’il est mort par euthanasie demandée
à son médecin ; Freud était un véritable athée
; il considérait la religion comme une névrose.
Le livre sur le président Wilson sera donc co-écrit en
1929, par Bullit et Freud, et ne paraîtra qu’en 1961, à
la mort de Mme Veuve Wilson.
Wilson y apparaît comme ?un anti-diable?, ?un nouveau christ?, bref
?un dangereux illuminé?.
Freud voit chez Wilson une ?mégalomanie religieuse?.
Le futur candidat ne disait-il pas à l’époque : «
Dieu, voulait que je fusse président des États Unis. Ni
vous ni aucun mortel ou groupes de mortels aurait pu l’empêcher.
»
Freud voyait rouge : ? Je ne peux m’empêcher de penser qu’un
homme qui peut interpréter les illusions de la religion d’une
manière si littérale et qui est sûr d’entretenir
des rapports intimes avec le Tout Puissant n’est pas fait pour s’occuper
des hommes ordinaires. ?
Freud et Bullit dessinent le portrait d’un Wilson, bigot au visage
diabolique : ?affreusement laid, tellement affecté par ses oreilles
décollées qu’il les fit effacer sur les portraits
officiels.
Enfant chéri d’un père pasteur, et d’une mère
distante, le garçon disgracié choisira d’être
homme d’état très tôt?.
Parti des révérends pères, le petit Thomas passe
par le père et parvient à l’état de Père
de la nation, en raison d’un narcissisme sans mélange, de
l’idéal religieux de papa, et surtout d’un féroce
déni de la réalité.
Pacifiste, il résiste à l’entrée en guerre
des États Unis, et ne s’y résout qu’au prix
d’une idée, la « Société des Nations
», dont la finalité était de régler les conflits
entre les nations, de garantir l’intégrité territoriale
et l’indépendance des états, et éventuellement
des sanctions.
Lors du traité de Versailles, où les alliés imposent
leur loi, sans inviter ni les russes ni les vaincus, Wilson occultera
totalement le démantèlement austro-honrois par Clémenceau
: l’occupation de la Rhur, les sommes énormes réclamées
à l’Allemagne, l’attribution des Allemands des Sudètes
à la Tchécoslovaquie, ce qui fera plus tard le lit d’Hitler…
Perclus de malaises et d’incertitudes, il restera aveuglé
par cette « Société des Nations » intégrée
au Traité de Versailles le juin1919, entrée en vigueur le
20 janvier, et à laquelle, cruelle humiliation, son propre pays
n’adhérera pas.
Ultérieurement, l’histoire ne sera pas moins tragique, ?la
Société des Nations ? observera la seconde guerre mondiale
avec un attentisme affligé, malgré les 50 millions de morts
; elle sera dissoute en avril 1946.
Puis sera relancée sous forme d’Organisation des Nations
Unies, dont le siège sera à New York : ?ONU ?, qui provient
de la charte des Nations Unies , traité international signé
le 26 juin 1945, après avoir été souhaité
par Roosevelt. Les objectifs sont, faut-il le rappeler, - le maintien
de la paix et de la sécurité intérieure, - le développement
de relations amicales entre les nations et la coopération économique,
sociale, culturelle et humanitaire - le renforcement du respect des droits
de l’Homme et des liberté fondamentales.
Cela n’empêchera pas ?l’ONU? et sa force armée,
d’entériner les autres conflits, guerres, génocides
de la fin du siècle dernier ;
De 1900 à 1945, on ne dénombre pas moins d’une dizaine
de guerres entre états nations (de la guerre russo-japonaise de
1905 aux guerres balkaniques ou à la guerre du chaco entre Bolivie
et Paraguay en 1935). Au XXe siècle une centaine de millions de
morts perdent la vie en raison des guerres, et plus de trente millions
après 1945. Les deux guerres engagèrent des états
majeurs de la planète – 12 à 13 millions de réfugiés
après la deuxième guerre mondiale - Et les deux derniers
siècles ont vu s’étendre le système de compétition
instaurée par l’Europe à tous les autres pays, et
reprise par les États Unis depuis 1945 : soit une trentaine de
conflits inter étatiques dont les guerre israélo-arabe,
indo-pakistanaises, guerre de Corée, du Vietnam, conflit anglo-argentin,
Iran Irak, Yougoslavie, Afrique, Asie centrale, Tchétchène,
et enfin l’Irak….
L’hégémonie militaire des Etats-Unis imprime un état
de guerre plus ou moins permanent, sous couvert d’une paix par l’Empire,
avec le plus souvent, le relais ambigu de l’?ONU?.
N’oublions pas que les États Unis, sont un adversaire déterminé
de la cour internationale de justice créée dans le cadre
de l’?ONU?, afin d’assurer l’immunité de l’ensemble
de ces militaires servant à l’étranger, puissent agir
en toute impunité (cf Le Monde du 1e juillet 03)
.La vieille Europe, belliqueuse depuis le Moyen-âge, qui craint
depuis 2000 ans, le chaos amené par une hypothétique invasion
barbare extérieure, perpétue tout autant l’esprit
de guerre (guerre congolaise, conflit en Côte d’Ivoire, ect…).
Alors que la guerre prend d’autres visages, plus insidieux, moins
frontaux, la destruction à grande échelle des systèmes
de protection sociale, des retraites, la destruction des emplois, l’ébranlement
de tout un système industriel : l’OIT annonce 20 millions
de chômeurs supplémentaires dans le monde au moment où
les délocalisations se multiplient, les fermetures d’usines,
les plans de licenciement.
Les présidents américains prononcent leur serment sur la
bible, Clinton se confessera en public, et Bush commentera l’évangile
avec ses ministres à la maison blanche…
Et l’on continue de réfléchir au pentagone, depuis
les difficultés avec la Turquie avant l’invasion en Irak,
sur les meilleures armes possibles ? les drones supersoniques, pour pouvoir
bombarder n’importe où dans le monde en moins de deux heures
? (cf Le Monde du 5 juillet 03)
Ces réflexions sont issues de l’ouvrage passionnant de Catherine
Clément : Les révolutions de l’inconscient.
Édition Les reflets du savoir ; 2001.
Le président Thomas Woodrow Wilson par Sigmund Freud et William
C. Bullit ; Payot ; « coll. Petite bibliothèque Payot »
; 1990.